Exploration philosophique, hypnose et philosophie en synergie

Exploration philosophique : hypnose et philosophie en synergie

Noesis organise des Masterclass et séminaires au sein de son institut mais aussi à l'attention des différentes écoles qui souhaitent ajouter à leur programme des journées de pratiques philosophiques et hypnose.

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Philosophie comparée de la raison, de la connaissance et du sensible chez Emmanuel Kant et Étienne Bonnot de Condillac.

Emmanuel Kant et Étienne Bonnot de Condillac font partie des philosophes qui ont apporté des contributions significatives à la réflexion sur la raison, la connaissance et le sensible. J'aimerais en citer d'autres comme Descartes, les empiristes, Leibniz, Husserl, Bergson, en passant par l'herméneutique et la phénoménologie philosophiques mais ce texte n'en finirait plus de nous occuper.

Il est toujours curieux de constater les différences de réflexion et de théories entre les philosophes.

Analyse comparative: Kant versus Condillac.

Alors que Kant, dans sa "Critique de la raison pure", met particulièrement l'accent sur le rôle de la raison dans la formation de la connaissance, Condillac, dans son ouvrage sur le sensualisme (ou en d'autres termes le sensible), insiste sur l'expérience sensorielle comme source principale de la connaissance humaine.

Kant

Chez Kant, c'est la raison qui est organisatrice de la connaissance. La raison ne rassemble pas seulement les expériences sensorielles mais les organise selon des principes et des structures innées. Le philosophe considère l'espace et le temps comme des conditions "a priori" de toute expérience possible. L'espace et le temps sont des modes de représentation de notre esprit. Kant appelle ces formes de la sensibilité des intuitions pures, car elles ne dépendent pas du contenu empirique des sensations. Elles sont transcendantales et rendent possible la connaissance des phénomènes, c'est-à-dire des objets tels qu'ils apparaissent à notre conscience.

Pour Kant, la connaissance humaine repose sur une synthèse entre les données sensibles et les concepts de l'entendement. Les sens ne nous donnent pas accès aux choses en soi, mais seulement à leur apparence.

Par ailleurs, la raison pure ne peut pas non plus atteindre les choses en soi, mais seulement des idées régulatrices qui orientent la recherche d'une hypothèse sur la "vérité".

Il existe, en effet, des limites à ce que nous pouvons connaître.

Kant distingue les phénomènes, - c'est-à-dire les objets tels qu'ils nous apparaissent - des noumènes, c'est-à-dire les objets "en soi" indépendamment de notre perception.

La raison humaine est limitée dans sa capacité à connaître les noumènes.

Ainsi, bien que nous puissions acquérir une connaissance approfondie des phénomènes, nous ne pouvons pas prétendre connaître pleinement les choses en soi.

En ce sens, Kant affirme que nous ne pouvons pas tout connaître et ceci est la force de la philosophie kantienne car elle implique de considérer toutes connaissances à l'aune des limites et de la mesure humaine.

Quel que soit le domaine, scientifique, moral, philosophique, etc., les connaissances sont délimitées par les modalités biologiques de l'homme.

Condillac

Chez Condillac qui développe le sensualisme, théorie qui met l'accent sur l'expérience sensorielle comme source fondamentale de la connaissance, le point central de l'activité psychique de l'homme provient de ses sens.

Pour ce penseur l'esprit humain est initialement vide, et c'est à travers les sensations et les perceptions que les idées se forment et se développent.

La raison est une faculté émergente des sensations et des perceptions.

Ainsi la raison n'est pas une faculté distincte, mais plutôt une extension des capacités sensibles de l'esprit. La raison se développe par l'association et la comparaison des idées qui découlent des sensations.

Cette thèse a de l'intérêt quand on considère que ce qui apparaît à nos sens (voir, entendre, sentir, goûter) et particulièrement la façon dont nous l'interprétons engage nos idées à commenter et appréhender la réalité.

Oscar Wilde faisait remarquer que nous pouvons admirer les "admirables brouillards fauves qui se glissent dans nos rues..." parce qu'ils "nous font voir ce qui était là sans que nous ne nous apercevions".

Ici, la sensorialité est exacerbée par l'intermédiaire de l'art, tout comme voir et entendre un mot peut ouvrir un monde, dit le poète Yves Bonnefoy.

Et ici, l'extrait du texte d'Antoine Bioy

à l'occasion de son hommage à François Roustang offre un regard d'une importance capitale sur la sensorialité.

"Corporéité : en mettant le percept et la sensorialité au centre de la pratique de l’hypnose, Roustang invite les sciences biomédicales et psychologiques à se pencher autrement sur le berceau de la transe. Il rappelle à la médecine l’importance de la phénoménologie, de « l’intimement vécu », et il rappelle à la psychologie que c’est bien du corps somatique que part le vécu qu’elle écoute. Autrement dit, Roustang propose que la transe soit un lieu de rencontre des sciences autour d’un tout, une « intelligence du corps » comme il l’a nommée (...). En cela, replacer le percept au centre de l’hypnose constitue un défi lancé aux neurosciences, à la médecine, à la psychologie et à l’ensemble des disciplines pour approcher ce qui, par nature, échappe aux mots, car dès que le percept se décrit, il cesse d’être pour devenir une expérience vécue et relatée."

Alors, en comparant les idées d'Emmanuel Kant et d'Étienne Bonnot de Condillac sur la raison, la connaissance et le sensible, nous pourrions, de prime abord, constater des divergences. Mais pourtant, à y regarder de plus près, on constate que la sensorialité et la connaissance sont nécessairement en dialogue. Et si la dialectique est différente, leur approche influe sur notre mode de relation et de vécu avec les choses du monde.

Sédiments de l'identité. Appartenance et modalités de la conscience.

C'est passionnant de remarquer les divergences ou les biais d'idées entre les hommes. L'éducation, les cultures, les mimétismes, les choix d'intérêts personnels, etc., nous conduisent à des certitudes, des concepts et des croyances dont on peut remarquer qu'ils ont tous un point commun : celui pour l'être humain d'exister dans un monde où se jouent depuis les sédiments de l'identité, des différences.

Si Kant accordait une place centrale à la raison en tant qu'organisatrice de la connaissance et que Condillac mettait l'accent sur l'expérience sensorielle comme source principale de la connaissance, on recevra un enseignement qui nous fait concevoir que nos jugements devraient toujours être mis en perspective et non immobilisés, au risque de manquer toutes les richesses de la réalité.

Enfin, là où le philosophe Renaud Barbaras nous éclaire si puissamment, c'est lorsqu'il propose de concevoir que la conscience n'est qu'une modalité parmi tant d'autres, de notre appartenance au monde et que plus nous appartenons au monde, plus nous le phénoménalisons.

Bibliographie :

- Kant, Emmanuel. Critique de la raison pure.

- Condillac, Étienne Bonnot de. Traité des sensations.

- Renaud Barbaras. L’Appartenance, vers une cosmologie phénoménologique.

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